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Amis lecteurs, je vous souhaite une agréable visite sur ce blog.
Ici, vous trouverez des mots qui font des histoires pour les petits et pour les grands.
Des mots plus ou moins sérieux, même si l'écriture n'est jamais tout à fait innocente.

Si vous êtes éditeur, je vous invite à visiter ma page de projets pour les enfants et ma page de projets pour les adultes.

Si vous êtes illustrateur et qu'une petite histoire plus ou moins vraie vous inspire un dessin, je serai heureuse de le mettre en ligne avec une présentation de vous sur ma page dédiée aux beaux crayons. Vous pouvez proposer une illustration pour n'importe quel texte.

mardi 18 décembre 2012

Le dernier chant (nouvelle)



Mon cœur est lourd comme une ancre. L’eau monte, caresse mon menton, déborde de la baignoire tandis que mes mains lâchent les rebords. Je suis prêt pour la dernière métamorphose.
Mélanie tambourine à la porte verrouillée.
— Ouvre, Juan ! Que se passe-t-il ?
Elle s’inquiète, s’énerve, supplie, se tait soudain. Puis demande d’une voix sourde :
— Comment s’appelle-t-elle ?
Elle me connaît si bien… mais elle ignore que cette fois-ci, je suis réellement en train de changer, définitivement. Je n’en dis rien : elle ne peut plus me croire.

Comment s’appelle-t-elle ? Je ne sais pas. C’est une grande femme en boubou vert et or, une femme de soleil et de bois. Je ne sais pas pourquoi je l’ai remarquée dans la foule, je ne sais pas pourquoi je l’ai regardée dans les yeux…
J’ai vu ma mère, l’éclat de ses yeux lorsqu’elle me murmura ses derniers mots : l’amour se confie jusqu’au bout et plus loin encore, et ne se perd jamais.
Je me suis souvenu de mon enfance, quand sa main chaude réconfortait la mienne dans une caresse cadencée par nos pas. Et puis encore, quand son long cou en courbe douce accueillait le rire sans questionnement, dans l’instant.
La passante m’a regardé et j’ai vu tout cela dans la lance de son regard. C’est ainsi que je l’ai connue, vraiment connue, sans que jamais mes mains ne l’effleurent. J’ai compris alors la vacuité du don charnel.

La femme d’ébène s’est plantée au plus profond de ma poitrine, a dressé ses tiges, a déployé ses feuilles ; son âme a dévoré la mienne. Puis, elle a disparu, happée par la foule. Mon cœur n’est plus qu’une ombre sous ses racines, un terreau qu’elle épuise.
Je sens la jungle de mon cœur s’agiter et réclamer à boire. Dans l’eau, un visage sombre se tend vers moi : c’est Mélusine, la Reine-serpent qui se venge de toutes les femmes que j’ai trompées, la dernière sirène qui m’attire vers le fond.



Ce texte a été publié sur le forum Maux d'auteurs, qui organise régulièrement des jeux d'écriture de petites nouvelles. Le thème proposé était le suivant : " Le chant des sirènes ".

dimanche 9 décembre 2012

Premier chapitre (nouvelle)



Et puis, il y a eu la lettre. Elle est arrivée dans une enveloppe vélin, caressée par une écriture élégante et ornée d’un timbre rare. « Rencontrons-nous » disait-elle, simplement.
J’ai commencé à écrire mon roman.
« Il était une fois, un homme et une femme solitaires qui correspondaient sur Facebook. »
Je déchirai la page. Je ne suis pas de ceux qui résistent aux nouvelles technologies, mais sont-elles vraiment compatibles avec mon style de narration ?
« Deux jeunes gens solitaires avaient échangé des dizaines de lettres enflammées sans s’être jamais rencontrés. Puis, il y a eu la lettre ».
Il ne restait plus qu’à attendre notre rendez-vous pour continuer mon histoire. Lorsqu’elle accepta de me rencontrer dans le romantique jardin du Luxembourg, j’eus la certitude de trouver bientôt l’inspiration parfaite pour mon roman ainsi que le destin d’une vie à deux et, par la même occasion, le moyen infaillible d’échapper à ma dépression saisonnière.
Au jour et à l’heure convenus, elle est arrivée, silhouette éthérée dans ses vêtements de soie et de lin, début d’automne resplendissant avec ses cheveux roux volant dans l’air mélancolique du premier dimanche d’octobre. Radieuse, elle m’a tendu une main douce et chaude que j’ai retenue dans la mienne, sidéré par sa beauté. Elle a rougi et, dans un gentil élan, m’a embrassé sur les deux joues avec un petit rire gêné. Mon cœur faisait des bonds dans ma poitrine. J’ai proposé, le souffle coupé, que nous nous assoyions, et pendant qu’elle parlait de sa voix profonde et grave, je la dévorais des yeux. C’était elle, ma muse adorée, celle que j’attendais depuis si longtemps !
— Vous m’avez dit que vous écriviez ; qu’écrivez-vous, exactement ?
Il y avait une simplicité dans sa façon de poser des questions qui m’entraîna sans hésitation sur la voie de la franchise.
— J’écris des romans d’amour qui peuvent paraître surannés, mais qui sont d’une grande sincérité : c’est simple, tout ce que je raconte, je l’ai vécu. Je ne peux écrire autrement ! Vous aussi, vous écrivez, n’est-ce pas ?
— Ma vie ressemble étrangement à la vôtre : j’écris sur des sujets qui me tiennent à cœur et que m’inspire mon quotidien.
Mon cœur battait de plus en plus fort. Elle serait donc ma sœur intellectuelle, mon double ! J’étais tout près de l’embrasser, mais d’après les canons du roman d’amour, il était encore trop tôt.
— Qu’écrivez-vous, actuellement ? Lui demandai-je.
— Un témoignage très drôle, qui s’intitule : « Moi, Roger R. Ou comment je me suis déguisé en femme ».
Je la… le regardai, douché, glacé, pétrifié. Dès que je retrouvai mes moyens, je bondis sur mes pieds et pris mes jambes à mon cou.
— Personne n’est parfait ! Cria-t-il derrière moi, dans un éclat de rire qui résonna diaboliquement à mes oreilles…
Rosalia Dowing, je te hais ! Comme l’année dernière, tu tentes de me déstabiliser en m’envoyant des créatures destructrices pour tarir mon inspiration. Mais sache, gribouilleuse jalouse, que mon talent surmontera tous les obstacles que tu dresseras sur mon chemin pour m’empêcher de répondre aux exigences de mon éditeur, et que tu n’obtiendras pas le contrat qui m’est dû ! Et si je n’ai, comme tu le prétends, aucune imagination, je saurai trouver une fin digne d’un grand écrivain : seulement cette-fois-ci, je délaisserai peut-être le registre du roman d’amour pour celui du roman noir, où je te réserve une place peu enviable !



Ce texte a été publié sur le forum Maux d'auteurs, qui organise régulièrement des jeux d'écriture de petites nouvelles. Les règles du jeu étaient les suivantes : le texte devait commencer par la phrase : " Et puis, il y a eu la lettre ", et la dernière phrase devait comprendre le mot " fin ".

vendredi 30 novembre 2012

Troisième commémoration (nouvelle)



Copropriétaires de la Résidence des trois Grâces,


C’est avec un peu de retard que je prononce le discours d’hommage à Arthur Cozzini de cette année ; vous ne m’en voudrez pas, heureux que vous êtes d’échapper à cette corvée.
Tout le monde s'accorde sur le fait que l’on pourrait résumer la vie et l’œuvre de Cozzini ainsi : il passa son temps à nous gâcher l’existence. Sachez cependant que malgré la franchise qui me caractérise et dont je ne saurais me départir, j’ai tout fait pour préserver nos intérêts. Je rappelle à Madame Mathurin, qui cligne des yeux comme un télégraphe pour m’inciter à la retenue, que selon les termes du contrat qui nous lie au défunt, nos obligations consistent à présenter deux de ses passions et de ses actes héroïques, et non à prononcer un discours courtois, ce qui serait contraire aux règles d’hygiène mentale les plus élémentaires.
Je raconterai, de la façon la plus convaincante possible, que Cozzini avait la passion des livres illustrés et de la guitare électrique, et comment ses deux passions m’ont sauvé la vie.
Nous dirons donc que Cozzini se passionnait pour les livres illustrés. Peut-être pourrions-nous, avec beaucoup d’imagination, expliquer ainsi son envie irrépressible de s’en emparer dès qu’il les voyait entre les mains d’un enfant. Il m’en vola ainsi une dizaine dans des circonstances toutes plus honteuses les unes que les autres. Cependant, je dois avouer que je lui en fus reconnaissante une fois : un jour, alors qu’il venait de m’arracher un livre que j’adorais, je m’élançai si prestement à sa poursuite que j’échappai à la moto de Daniel, lancée à vive allure dans l’allée de la Résidence. Ne protestez pas, Daniel, j’ai une mémoire d’éléphant et je me souviens très bien qu’il y a vingt ans, tout le monde vous considérait déjà comme un danger public.
Voilà pour la première passion et le premier acte héroïque. Ce ne sera plus très long, soyez patients !
Quelques années avant sa mort, Cozzini se prit de passion pour la guitare électrique et s’attela à en jouer toutes les nuits. La nuit de sa mort, il me réveilla à 1h42, dix minutes avant que mon téléviseur n’implose en carbonisant mon lit déserté. C’est ainsi que grâce à sa deuxième passion, Cozzini me sauva la vie une seconde fois. Je profite de notre réunion pour souligner que je n’avais aucune arrière-pensée quand cette nuit-là, je me présentai à la porte de Cozzini avec un seau d’eau : quand on a les oreilles massacrées par le son d’une guitare électrique à 2h du matin, on ne réfléchit pas. Je vous demanderais donc instamment de cesser toute insinuation et tout remerciement quand vous me croisez dans la cage d’escaliers (ne faites pas l’innocent, Monsieur Roméo) : j’en ai assez de rabâcher qu’au moment où je jetai le seau sur Cozzini, je ne pouvais pas deviner que le fil électrique de sa guitare était dénudé !
Ce discours n’a que trop duré. Il est temps de sacrifier au rituel défini dans le testament de Cozzini : je ne voudrais pas que l’huissier ici présent, que feu notre exécrable voisin nous envoie chaque année d’outre-tombe, estime que nous ne méritons pas notre legs annuel. Ainsi, avant de clore notre réunion, nous répéterons en chœur dix fois de suite : « Monsieur Cozzini, vous êtes inoubliable, merci, merci, merci ! »
Ne soupirez pas, Monsieur Bernard, et pensez à nos enfants : il faut rénover l’aire de jeux. Et avec un peu de chance, la somme léguée cette année nous permettra aussi de faire construire une piscine !



Ce texte a été publié sur le forum Maux d'auteurs, qui organise régulièrement des jeux d'écriture de petites nouvelles. Les règles du jeu étaient les suivantes : écrire une rubrique nécrologique élaborée de (...) Arthur Cozzini (14/09/1925-31/08/2010). Le texte devait relater la vie et l'oeuvre du personnage et comprendre les mots suivants : hygiène, inoubliable, rabâcher, télégraphe, éléphant. .

samedi 24 novembre 2012

Un peu de poésie (5)



Hiver


Quelle alouette a pris la clef,
la clef des champs, la clef des prés ?
Quelle alouette a pris la clef,
la clef des champs avec l’été ?

Sous la fenêtre le lilas,
colliers d’argent et de grenat,
sous la fenêtre le lilas
donne ses perles aux frimas.

Le vent s’amuse sur la branche,
souffle cristal, souffle pervenche.
Le vent s’amuse sur la branche,
tourbillons de paillettes blanches.

Quelle alouette a pris la clef,
la clef des champs, la clef des prés ?
Quelle alouette a pris la clef,
la clef des champs avec l’été ?

jeudi 15 novembre 2012

Un peu de poésie (4)



Arbre


Qui dit que nous sommes des hommes sous la palme d’un grand arbre ?
Nous sommes le vent, nous sommes les fleurs que rien ne brise ni ne blesse, que rien ne bruite ni ne bleuit de peur, de froid, de solitude.
Nous sommes un souffle, une senteur, rien d’important : un peu de temps et de couleur.
La panthère épouse notre épaule d’une caresse distraite ; l’oiseau choisit notre main pour reposer son aile d’azur. Quant au papillon de fortune, il butine sur notre joue.
L’arbre nous prête ses racines, nous lui donnons une âme. Et la ville au loin dans la brume s’efface comme une ombre sur l’herbe.